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« Alors que de nombreux pays du monde, dont la France, sont engagés en Afghanistan, qui pourrait comprendre que des Afghans dans la force de l’âge n’assument pas leur devoir, et échappent à la formation que, notamment les forces françaises, leur proposent pour défendre leur propre liberté dans leur pays?» Habituel porte-parole porte-flingue de l’UMP, Frédéric Lefebvre n’a surpris personne lors de sa dernière sortie remarquée sur la dizaine d’Afghans prochainement expulsés vers Kaboul. Un homme politique capable de comparer les sites de streaming à des « dealers »ne voit pas pourquoi la France ne le ferait pas». Lundi, le ministre de l’Immigration Eric Besson avait rappelé que les déboutés définitifs du droit d’asile avaient vocation a être expulsés «même en Afghanistan». peut bien justifier le renvoi en charters d’étrangers au motif de la défense de leur pays… Non, la vraie surprise vient du secrétaire général de l’Elysée, habituellement en retrait sur ces dossiers. Emboîtant le pas du Royaume-Uni, qui procède chaque année à l’expulsion de plus d’un millier d’Afghans avec l’accord de la commission européenne des Droits de l’Homme, Claude Guéant « ne voit pas pourquoi la France ne le ferait pas». Lundi, le ministre de l’Immigration Eric Besson avait rappelé que les déboutés définitifs du droit d’asile avaient vocation a être expulsés «même en Afghanistan».

La justice tonne

Dans une République, la fermeté prévaut tant qu’elle s’adosse au respect de la loi. Et là, le bât blesse. Selon le droit international, la décision d’une expulsion résulte d’un accord commun : le pays d’origine, vers lequel le sans-papiers aspire à être expulsé, doit émettre un laisser-passer, avant toute reconduction. Comment la France s’est donc retrouvée, selon le  juge de la cour d’appel de Douai,  à « fournir un laissez-passer unilatéral français ou européen dont l’existence est dénuée de toute base légale et juridique » ? Pris la main dans le sac par la justice, le gouvernement ne pourra pas, pour une fois, appeler à la conspiration de gauche ou aux influences subjectives de la Cimade. De son côté, l’Afghanistan ne devrait pas s’opposer bien longtemps à cette décision française. Minée par la corruption, fragilisée de l’intérieur par l’influence renaissante des talibans, Kaboul a bien d’autres chats à fouetter que le retour d’une dizaine d’exilés.

Présidentielle 2012 : l’argument charter

Paradoxalement, l’inquiétude vient de France. Eric Besson, le ministre de l’Immigration, dit assumer une « politique d’humanité et de fermeté« . « L’humanité » prêterait à la rigolade, si la sécurité des exilés afghans n’inquiétait pas. L’appel à la « fermeté« , par contre, me rend fou. Avec un tel déni des lois internationales, le gouvernement français montre qu’il respecte les textes tant qu’ils ne vont pas à l’encontre de son empressement statistique. Je persiste à croire qu’il y aurait probablement moins d’expulsions si la politique du chiffre ne servait pas la stratégie électorale de Nicolas Sarkozy. Car expulser 30000 sans-papiers, possibles travailleurs exploités, coûte de l’argent, et l’économie de bout de chandelle réalisée par leur départ ne compense sûrement pas les billets d’avion longue distance, même en classe économique… C’est triste, les médias se répètent, mais j’assume : accuser ce gouvernement de racisme serait un fieffé mensonge et une analyse bien simpliste, au delà des phrases nauséabondes de certains de ses membres. Non, son ambition aux élections régionales motive son choix.

Le bras à droite, le regard à gauche

A la droite de la droite, nationaliser l’air du temps tue le FN dans son œuf, et le laisser dans sa chrysalide devrait permettre à l’UMP d’éviter certaines triangulaires, contrairement aux élections régionales de 2004. Reste la menace du PS, qui dirige 20 régions sur 22. Dite souffrante, fragile et moribonde, la gauche se recroqueville sur son trésor de guerre. Bien lui en prend : elle devra le préserver si elle veut garder une chance de l’emporter lors des présidentielles de 2012.  Mais pour Nicolas Sarkozy, c’est l’heure de la Reconquista des conseils généraux. En grand fauve politique, il sait trop bien que le PS, même exsangue, commence à se remobiliser derrière la figure crédible de Martine Aubry. A sa charge de lui porter le coup de grâce, dont la méthode semble déjà arrêtée. Axant sa campagne sur les thèmes classiques de l’immigration, de l’identité nationale et de la sécurité, l’UMP reprend ce qui lui a souri lors des dernières élections présidentielles : c’est en s’assurant de sa droite qu’elle l’avait emporté. Libre à elle. Mais un peu plus d’élégance et de tact n’auraient pas été superflus. Et une poignée d’Afghans n’y auraient rien changé.

Pierre Laurent